L’époxy est un adhésif en deux composants, la base (ou résine) et le durcisseur (les puristes parlent d'agent de réticulation), et on dit qu’elle est « formulée ». C'est à dire qu'à partir de matières premières produites par quelques grosses entreprises de chimie, une multitude de « formulateurs » produisent des résines et durcisseurs pour une grande variété d’usages spécifiques, dont la construction navale en bois.

On l'y utilise non seulement comme colle, mais également comme agent de liaison dans des composites (par exemple dans la stratification de fibre de verre sur le bois) et plus généralement comme revêtement du bois, où son étanchéïté fait merveille. Ses propriétés adhésives ont permis de repenser la construction de coques en bois en éliminant presque totalement la structure et reportant les efforts sur la "peau" de la coque. Par rapport aux résines polyester, les résines époxy (ou époxydes) sont nettement plus adhésives et plus étanches (le polyester est carrément poreux).

Les intérêts de l'époxy dans la construction d'embarcations légères sont discutés dans d'autres pages : Pourquoi le contreplaqué-époxy ? et La construction "cousu-collé". Sa mise en oeuvre dans le cadre de la construction d'embarcations légères est présentée dans : Utiliser l'époxy. Voir notamment la section "Protection" qui y figure.

Les "idées de base" ci-dessous représentent une tentative de synthèse de ce que j'aurais voulu savoir sur l'époxy lorsque j'ai construit mon premier bateau... Il semble en effet qu'il y ait une certaine réticence ou négligence générale à partager la "science" de l'époxy. Ma seule réticence personnelle est la crainte de mon ignorance : les idées que je présente ci-dessous reflètent ma propre expérience et j'espère ne pas diffuser trop d'erreurs ou d'approximations. Merci de ne pas hésiter à m'écrire si vous en constatez.

Dernier point, l'époxy formulée pour le bois est pratiquement inodore, point important pour les constructions "amateur".

1. L'époxy est utilisée pour ses propriétés extraordinaires de résistance aux agressions chimiques, sa durabilité, sa faible porosité et sa résistance adhésive.

Les époxy formulées pour le bois sont transparentes ou largement translucides et, proprement mises en oeuvre, invisibles sous un vernis adéquat.

Les risques liés à l'utilisation de l'époxy sont évoqués dans la page : Utiliser l'époxy.

2. L'époxy est constituée d'une base (résine) et d'un durcisseur. Les deux composants sont mélangés selon des proportions indiquées par le formulateur (le fabriquant, quoi !) Une réaction chimique se produit entre les deux composants, durcissant le mélange en un "plastique" solide et inerte. Cette réaction s'accompagne d'un échauffement de l'époxy (exothermie) qui peut être important sur un volume d'époxy concentrée.

On ne répètera jamais assez qu'il est impératif de toujours respecter exactement le dosage de durcisseur et de base. Il est également impératif de "touiller" suffisamment les deux composants pour bien les mélanger l'un avec l'autre. Ajouter plus de durcisseur pour accélérer la réaction est une grosse bétise. Quelles que soient les conditions, c'est toujours le même ratio base-durcisseur. Si vous avez besoin d'activer le durcissement de l'époxy, ou au contraire de le ralentir, utilisez un durcisseur plus "rapide" ou plus "lent".

3. Le seul élément auquel l'époxy est vulnérable est le soleil... L'époxy jaunit et ternit quand elle reste exposée aux UV. Elle doit être couverte par un revêtement qui la protègera des UV : peinture opaque ou vernis contenant une barrière anti-UV. N'abandonnez pas votre bateau en plein soleil lorsque vous ne l'utilisez pas pendant de longues périodes. Les UV dégradent tout, pas seulement l'époxy...

Certains formulateurs proposent maintenant des résines époxy résistantes aux UV (mais plus chère). Je n'en ai pas encore essayé.

4. Une fois les deux composants mélangés, l'époxy est utilisable pendant un court laps de temps appelé "vie en pot" (traduction de "pot life"), dont la durée dépend de la température ambiante et de la "rapidité" du durcisseur utilisé. Cette durée va de quelques minutes à quelques heures, en conditions normales. La quantité d'époxy dans le pot joue un rôle, du fait de l'échauffement qui se produit au début de la réaction (exothermie) : plus le volume d'époxy est important plus la réaction est rapide au démarrage, et plus l'échauffement est important.

Quand on approche de la fin de sa "vie en pot", l'époxy s'échauffe à un point qui peut devenir dangereux en fonction du volume de mélange (jusqu'à 170°C, planquez vos doigts !) Pensez-y si vous "coulez" de la résine pour faire un massif dans l'étrave ou l'étambot d'un kayak : s'il fait chaud, faites plusieurs petites coulées plutôt qu'une seule. Pensez aussi à plonger la pointe du kayak dans un seau d'eau pour diffuser la chaleur.

Sachez jeter ! Si votre pot d'époxy commence à chauffer, jetez-le car vous n'avez plus le temps de l'utiliser.

5. L'époxy durcit en quelques heures, mais la réaction se poursuit pendant plusieurs jours (en fonction de la rapidité du durcisseur) avant d'atteindre la résistance maximum du produit fini. A température ambiante "normale" (autour de 20°C), l'époxy sera suffisamment dure au bout de 24 heures pour pouvoir enlever les presses d'un collage ou poncer la surface.

Attention cependant si le collage est sous forte contrainte (pièces très cintrées par exemple) et s'il fait un peu frais : il vaut mieux attendre plus longtemps pour enlever vos presses.

6. On considère qu'une différence de température de 10°C double ou divise par deux la vie en pot et la durée de durcissement de l'époxy. L'effet d'une température plus élevée est de réduire la viscosité du mélange (le rendant ainsi plus liquide), mais en même temps réduit la durée pendant laquelle on pourra travailler avec le mélange. Plus la quantité de mélange est faible, et plus la vie en pot sera longue : à l'inverse lorsqu'une grande quantité de mélange reste dans un récipient, le début de la réaction provoquera une forte élévation de température (jusqu'à 170 °C).

Sur une petite quantité, l'échauffement est perceptible mais nettement plus limité, et on a un petit délai de grâce pour finir d'utiliser le mélange.

7. En règle générale, l'époxy devient trop visqueuse et durcit trop lentement pour être utilisée en dessous de 15°C. La température idéale d'utilisation est entre 20°C et 25°C. Après son durcissement complet, l'époxy supporte très bien les températures très froides à "normales", mais attention si elle est exposée à de fortes chaleurs (voir ci-dessous).

Si vous travaillez l'hiver dans un local non chauffé, prévoyez des moyens de conserver base et durcisseur au chaud, et des couvertures ou autres isolants à utiliser en complément de petits radiateurs électriques (pas d'appareils à combustion).

8. L'époxy "ordinaire" commence à se ramollir à partir de 80°C, mais durcira de nouveau si l'on abaisse la température. Il existe des époxy formulées pour les hautes températures, ou des traitements pendant la réaction (cuisson) qui lui permettent de résister, mais on sort des applications qui nous occupent (construction d'embarcations légères).

Pensez toutefois qu'une peinture sombre sur l'époxy concentre la chaleur, et qu'en plein soleil en été on risque d'arriver près de la limite. Voir aussi le point 3 : abritez votre bateau pendant une longue période sans utilisation.

9. L'époxy "massive" est dure et cassante. On y ajoutera donc des "charges" pour les applications de remplissage. On n'ajoute les charges qu'après avoir parfaitement mélangé base et durcisseur.

Un article sur les charges courantes en construction d'embarcations légères se trouve ici.

10. Conservez la résine et le durcisseur à température constante et modérée. Le durcisseur se dégradera plus vite s'il est exposé à des cycles de chaleur excessive. Le froid risque de provoquer la cristallisation de la résine. Un simple réchauffement progressif résoud le problème.

Si la température ambiante est trop froide (cf 7.), pré-chauffez en douceur résine et durcisseur à 20-25 degrés, et chauffez la zone d'application avant utilisation puis pendant la durée de durcissement initial (6 à 24 h).

11. La réaction de l'époxy peut causer du "blush" : une pellicule cireuse se forme à la surface du revêtement ou de la stratification, causée par une humidité excessive de l'air. Cette pellicule est difficile à voir mais on la sent très bien en passant la main sur la surface. Les amines présentes dans le durcisseur réagissent avec le dioxide de carbone et l'humidité de l'air pour former du carbamate d'ammonium. La plupart des époxy actuelles contiennent des amines hybrides qui ne produisent pas ou très difficilement du blush (on peut même utiliser certaines époxy sous l'eau).

Il est impératif d'éliminer le blush de la surface car rien n'adhère dessus, ni une nouvelle couche d'époxy, ni une peinture, ni un vernis : un simple rinçage à l'eau tiède suffit pour s'en débarrasser. Et bien sûr, un léger ponçage au papier fin à très fin est impératif pour donner une "accroche", sauf si vous travaillez "mouillé sur mouillé" (voir ci-dessous).

12. Si vous devez surcoucher (ah ben bravo !) c'est à dire passer une seconde ou xième couche d'époxy, faites-le sans attendre que la précédente ait totalement durci : dès qu'elle ne colle plus au doigt. Les couches fusionneront partiellement entre elles, créant un lien chimique plus fort que le simple lien mécanique (et le blush éventuel n'aura pas le temps de se former).

Si la couche précédente est totalement dure, faites un petit ponçage d'accroche avant de passer une nouvelle couche (après vous être assuré de l'absence de blush ou l'avoir éliminé).

13. Les "yeux de poisson" (traduction de "fish eye") sont les endroits d'une surface revêtue d'époxy où l'époxy refuse d'adhérer et se retire littéralement de la surface, laissant un vide entouré d'une surépaisseur, ce qui crée un effet de lentille optique, d'où leur nom.

Les fisheyes sont causés par des contaminants de surface tels que des grains de poussière, de solvant ou autre liquide graisseux. Ce peut être aussi le cas où un blush a été imparfaitement éliminé. Attention, de simples empreintes de doigt peuvent suffire à causer des fisheyes (à cause du sébum présent sur votre épiderme, ce liquide gras secrété par les glandes sébacées).

Les yeux de poisson peuvent aussi être causés par une couche de saturation imparfaite sous la couche en cause. Les effets de tension de surface jouent un grand rôle dans le "fisheyeing", mais je n'y connais rien, désolé. Il semble que l'application de couches fines d'époxy éventuellement diluée très légèrement (voir plus bas) réduit le risque de fisheyeing.

Si vous avez des fisheyes, laissez bien durcir, faites un ponçage pour éliminer le "relief" de l'oeil, nettoyez bien, puis repassez une ou plusieurs couches fines sur l'endroit du fisheye.

14. J'ai constaté que le vinaigre blanc et l'alcool à brûler remplacent avantageusement l'acétone comme solvants de l'époxy non durcie (une fois durcie durcie, l'époxy est totalement insensible à ces produits). Je n'entrerai pas dans une discussion sur la chimie comparée de l'acétone, du vinaigre blanc et de l'alcool à brûler, mais il me semble que ces deux produits sont nettement moins nocifs pour moi et mon environnement.

L'alccol à brûler dilue l'époxy et permet de rincer les pinceaux et autres outils, mais il n'arrête pas la réaction dans les traces d'époxy qui restent. Le vinaigre l'alcool va plus loin : il inhibe la réaction et transforme l'époxy en une sorte de boue nauséabonde.

Du coup, on peut plonger les pinceaux (ou autres instruments souillés d'époxy) dans une tasse de vinaigre jusqu'à ce qu'on en ait de nouveau besoin, quelques heures ou quelques jours plus tard. Il suffira alors de bien essuyer le pinceau, puis de le rincer à l'alcool, l'essuyer de nouveau, et il prêt à resservir.

15. L'addition d'un solvant dans l'époxy pour la rendre plus liquide n'est pas généralement approuvé par les formulateurs d'époxy car elle risque de causer une certaine porosité de la surface par évaporation du solvant. Certains formulateurs vendent cependant des diluants spécifiques pour "leur" époxy.

Rappelez vous plutôt qu'en augmentant la température de l'époxy on augmente sa fluidité. On peut également chauffer le substrat pour favoriser la pénétration de l'époxy. Quand ces solutions sont insuffisantes ou impraticables, on peut donc ajouter un peu de diluant approuvé par le formulateur dans l'époxy.

Je parle d'époxy "normale", je n'ai jamais essayé les nouvelles époxy en phase aqueuse, dans lesquelles je suppose que l'on peut ajouter de l'eau, tout simplement.

Mélangez toujours totalement base et durcisseur avant d'ajouter le diluant (ou tout autre additif), et remélangez soigneusement.

Avant de diluer votre époxy, lisez notre page consacrée à ce sujet.